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Bloub et ses lectures
2 juillet 2008

07. Le Joueur d'échecs, Stefan Zweig.

zzweig410Y8T5CTFLBloub résume (un peu).
Un paquebot, des passagers, la nouvelle de la présence d'un champion. Voilà le narrateur en ébullition, et le désir de le voir, le rencontrer. Puis survient le désir égoïste et orgueilleux d'un autre, d'affronter le champion. Et finalement, le désir général sadique d'assister publiquement à la défaite dudit champion, personnage fort antipathique, un désir-espoir permis grâce à l'intervention d'un homme, lui même désireux de ne pas voir une erreur de tactique commise, par amour du jeu.

Mais est-ce bien "l'amour du jeu" qu'incarne cet inconnu malingre, sorti de nulle part, qui semble effrayé et inexorablement attiré par le plateau ?
Le récit est semblable à une partie d'échecs où la fin est précipitée, où le roi acculé ne peut plus s'enfuir. En cours de partie, la tactique se dévoile, on apprend l'origine du "talent" de l'inconnu, et on frissonne.

Résumé officiel.
Qui est cet inconnu capable d'en remontrer au grand Czentovic, le champion du monde des échecs, véritable prodige aussi fruste qu'antipathique? Peut-on croire, comme il l'affirme, qu'il n'a pas joué depuis plus de 20 ans? Les circonstances dans lesquelles l'homme a acquis cette science sont terribles. Elles nous renvoient aux terribles expérimentations nazies sur les effets de l'isolement absolu, lorsque, au frontières de la folie, entre deux interrogatoires, le cerveau humain parvient à déployer ses facultés les plus étranges. Une fable inquiétante, fantastique, qui, "pourrait servir d'illustration à la charmante époque où nous vivons".

Extraits.
"Comme tous les têtus, Czentovic n'avait aucun sens du ridicule. Depuis qu'il était champion du monde, il se croyait le personnage le plus important de l'humanité, et la conscience qu'il avait de ses victoires sur des hommes intelligents, brillants causeurs et grands clercs en écriture, le fait tangible surtout qu'il gagnait plus gros qu'eux dans leur propre domaine, transformait sa timidité maladive en une froide  présomption qu'il étalait souvent grossièrement. "

" Car la pression qu'on voulait exercer sur nous pour nous arracher les renseignements recherchés était d'une espèce plus subtile que celle des coups de bâton et des tortures corporelles: c'était l'isolement le plus raffiné qui se puisse imaginer. (...) On nous laissait seulement en face du néant, car il est notoire qu'aucune chose au monde n'oppresse davantage l'âme humaine."

"Mais ces pensées une fois mises en branles dans cet espace vide, elles tournaient, tournaient dans ma tête, faisant sans cesse entre elles de nouvelles combinaisons et me poursuivant jusque dans mon sommeil. Ainsi, une fois fini l'interrogatoire de la Gestapo, mon propre esprit prolongeait inexorablement son tourment avec autant ou peut-être même pluys de cruauté  que les juges , qui levaient l'audience au bout d'une heure, tandis que dans ma chambre, cette affreuse solitude rendait ma torture interminable."

Opinion.
Dernier récit de Stefan Sweig. Oeuvre courte, (moins de 100 pages), implacable, sèche, oppressante.
Comment un jeu peut-il soulever autant de passion chez un homme? Est-ce vraiment un jeu? Et est-ce vraiment une "passion"? Car imposée, survenue dans l'esprit de M.B... afin qu'il puisse échapper à la folie de l'isolement, cette passion devient obsession, monomanie. Afin d'échapper au néant, et à la solitude la plus totale, M.B... s'est trouvé forcé à s'intéresser, à apprendre, à exercer cette activité. Et les échecs, qui devaient le sauver d'une glissée lente, sournoise et certaine dans la folie du néant, l'ont paradoxalement obnubilé au point d'insérer en lui une folie, une schyzophrénie folle, déclenchée par le violent désir de jouer.
    Contrairement à lui, Czentovic, ancien "idiot du village" qui était apparemment indifférent à tout, s'est réveillé grâce aux échecs, a pu s'intégrer à la société grâce à son "don", son "talent", même s'il est devenu une personne exécrable. D'une certaine façon, le néant possédait déjà Czentovic, à qui peu importait l'école, le travail, les critiques, les moqueries, mais lui aussi a été tiré de ce néant intellectuel par la découverte des échecs. Le jeu devient donc puissance salvatrice et destructrice.

Opinion technique.
Dans le petit texte qui sert de prélude à l'œuvre, on peut lire "structure complexe". J'ai beau chercher, je ne vois pas de complexité dans la structure. Une originalité, peut être, mais pas une complexité formelle. Zweig divise en effet son récit, et s'intéresse à deux protagonistes, les deux adversaires, le narrateur ne servant qu'à les introduire, les présenter, les "raconter". Bien évidemment, ce "je" n'a aucune importance capitale dans le récit et n'intervient pas, sauf pour dévoiler les 2 véritables objets de réflexion.

Une importance plus grande est néanmoins accordée à M.B... qui raconte au narrateur la torture qu'il a dû expérimenter sous la Gestapo. Torture mentale. L'isolement absolu. L'abrutissement de l'homme provoqué par la répétition, la stagnation. Même chambre, même mur, même plafond. Pas de montre, pas de crayon, rien, sauf lui même, et qu'y a t-il de plus terrible, finalement, que de se retrouver face à soi, nu, seul, apeuré, et pour une période infinie, car le temps semble arrêté?

Zweig donne alors un aperçu des capacités du cerveau humain à fuir la solitude profonde. Le recours ultime, la séparation de soi même en deux entités, pour enfin ne plus se retrouver seul. Angoissant...

Sinon, aucune difficulté de vocabulaire, quelques références directes à l'Histoire (Hitler, la Gestapo, L'Autriche...) mais nul besoin d'avoir le déroulement de la Seconde Guerre Mondiale en tête pour lire ce récit.

Notation.

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