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Bloub et ses lectures
6 janvier 2008

02.La Vie devant Soi, Romain Gary

9782070373628Bloub résume (un peu):

Momo, c'est un fils de pute. Mais un vrai. Il a 10 ans, en fin peut être, il a pas vraiment été daté Momo, et il est arabe. Même si il l'a appris qu'à l'école quand on l'a traité. Momo, il aime bien Madame Rosa, même si elle est juive et vieille et qu'elle arrive plus à monter les 6 étages.
Madame Rosa, elle a peur du cancer, et que Momo, il vende son cul. Mais il lui a promis, il le fera jamais et il deviendra pas un "proxynète", même si des fois il rend visite aux femmes qui se défendent au Bois de Boulogne. Momo il a pas de parents. Enfin, surtout pas de mère. Mais même si ça l'a fait fait chier à un moment, dans tous les sens du terme, finalement, il a Madame Rosa. Et il "lui tiendra compagnie jusqu'à ce qu'elle meure et même au de-là de la mort".

Extraits.

« ­- C'est pas nécessaire d'avoir des raisons pour avoir peur, Momo.
Ca, j'ai jamais oublié, parce que c'est la chose la plus vraie que j'ai jamais entendue. »

« (...) il m'a expliqué en souriant que rien n'est blanc ou noir et que le blanc, c'est souvent le noir qui se cache et le noir, c'est parfois le blanc qui s'est fait avoir »

«Je pense que pour vivre, il faut s'y prendre très jeune, parce qu'après on perd toute sa valeur et personne ne vous fera de cadeaux. »

« Moi, l'héroïne, je crache dessus. Les mômes qui se piquent deviennent tous habitués au bonheur et ça pardonne pas, vu que le bonheur est connu pour ses états de manque. Pour se piquer, il faut vraiment chercher à être heureux et il n'y a que les rois des cons qui ont des idées pareilles. (...) Mais je tiens pas tellement à être heureux, je préfère encore la vie. Le bonheur, (...) il faudrait lui apprendre à vivre. »

Opinion.

J'avais triché un peu, et noté ce livre avant de l'avoir entièrement fini. Ça m'apprendra, parce que je change et je mets 5 au lieu de 4. 
J'ai eu du mal au début. Gary écrit comme Momo parle. Sans négation. Avec des raccourcis, des mots que l'enfance déforme, des mots crus. Il y a des passages violents, vraiment violents, qu'on vit par Momo, avec son regard de gosse de femme qui se défend, et on est confronté à la réalité telle qu'elle est, sans honte, avec délicatesse, et c'est difficile, pour nous qui n'avons pas la rue comme foyer d'accueil.
Momo parle, raconte, et c'est rigolo, et c'est triste en même temps. Il s'adresse à nous lecteur, à lui même, il emmerde le monde, plus tard il veut être "flic et proxynète".
Je suis du genre à préférer le style élitiste de Huysmans, qui oblige à lire avec un dictionnaire greffé à la main. Mais j'ai été enchantée par le roman de Gary, et je ne dis pas ça parce que je sais qu'il a reçu un prix.

C'est la vie d'un gosse et de son histoire d'amour touchante, hors norme, avec Madame Rosa. SI on peut croire que le roman va traiter des différences d'opinion et de l'intolérance religieuse (Momo est arabe, Madame Rosa est juive), ce n'est pas tant ça, le fond du problème. Certes, il y aura une confrontation entre les deux cultures, notamment quand le père de Momo fera irruption. Mais finalement, le livre est plus une ode à la vie, qui abandonne petit à petit Madame Rosa, et que Momo cherche à expérimenter du haut de son frêle corps de gamin. On a le questionnement sur le lien social, l'abandon des "vieux", et pourquoi on pourrait pas les "avorter", les vieux. On a un point de vue autre que celui du bourgeois qui condamne le vol à l'étalage, et les délinquants sans avenir. Mais il ne faut pas croire non plus que Gary ait fait de Momo le symbole d'un mal être social. Pas du tout. A travers la relation entre ces 2 générations, ces 2 êtres si différents, laids et beaux, gentils et incompréhensibles, malades et éveillés, on a l'espoir. Parce que Momo n'abandonnera pas Madame Rosa, et l'accompagnera, et l'aidera à disposer du "plus sacré des droits des peuples à disposer d'eux mêmes". Bien sûr, ça ne peut pas se finir bien. L'atmosphère dans laquelle s'enferme Momo à la fin du livre est suffocante, poignante, déchirante, et on a du mal à lire, on comprend mais on refuse, on a hâte de finir pour sortir de cette ambiance malsaine et pourtant émouvante. Et puis voilà. On l'a souhaitée, et elle arrive. La fin. La page se referme. On sourit, ou on pleure, peu importe. Dans tous les cas, il l'a bien eue, la société, Momo. Et Madame Rosa aussi.
Les mensonges peuvent sauver une vie. Mais ils peuvent aussi aider à la terminer en paix.

Opinion technique:

C'est un livre facile à lire. Il peut y avoir des confusions, parce que Momo utilise ses mots à lui, et parle de moments d'habitude, au lieu d'hébétude, par exemple. Confusion aussi quand il reprend des expressions hors contexte, comme quand il a l'honneur. Mais c'est au final très instinctif, et on se surprend à "parler" le livre plus qu'à le lire. La seule difficulté réside peut être dans la violence des scènes que Momo décrit. BIen sûr, aucune violence du genre baston, sang qui gicle, entrailles ouvertes. Non, mais la violence commune, qui nous frappe encore plus parce qu'on sait qu'elle existe. La violence de la solitude, de la sénilité, d'Alzheimer. La violence de la situation des "travestites", des "proxynètes", des jolis gosses qui vendent leur cul. C'est violent parce que Momo déballe tout. Sans gêne. Il n'a pas la notion du moralement bien ou mal, c'est un gosse. Pas de fausse pudeur, pas de mots à double sens, pas de sous entendus, d'est direct, c'est comme ça et pas autrement, et le lecteur ne peut pas fuir, il ne peut pas se sauver "ça n'existe pas". Les récits d'enfants sont les plus durs parce qu'ils ne cachent rien, c'est la seule "difficulté" de ce livre.

[Dernier mot lu le 6 janvier, à 01 du matin]

Notation:
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Commentaires
G
Quel roman de Gary avais-tu en premier? <br /> Que ce soit Gros Câlin ou La Vie devant SOi, on retrouve le même style: léger, facile à lire, mais avec des passages un peu durs. Cousin de Grôs Câlin se retrouve finalement seul, son python n'est qu'une illusion, un ersatz de compagnie, qui n'est que la preuve de son incapacité à s'adapter. Pourtant on s'attache à ce personnage tendre et décalé, et son histoire avec son python. J'ai lu Grôs Calin il y a 2 ans, et tout comme LVDS, je l'avais dévoré. Je conseillerai Grôs Câlin pour débuter l'année :) Il est plus humouristique et farfelu (en surface, hein) et touchant. Comme il l'a écrit sous son pseudo Ajar, Gary avait peut être envie de tester d'autres choses, mais on retrouve ce style décalé, tendre mais traitant d'un sujet moins plaisant. La naïveté n'est qu'apparente.
J
Dans ma liste justement, j'ai un titre de Gary, tu m'as fait changer pour Gros câlin et maintenant j'hésite à plutôt choisir celui-ci .. un avis ?
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