03. Mythologies, Roland Barthes.
Gnyakou Résume (un peu).
Mettons nous d'accord sur un point, crucial, tout de suite. Mythologies n'est pas un livre. Encore moins un livre qui puisse être résumé. Compilation d'essais successifs, d'analyses tendant à démystifier les mythes de son époque, Barthes fouille et creuse la signification de ces actes, rituels, objets qui ont atteint ce statut de «mythe» . Plus d'une cinquantaine de sujets sont mis à nu, brièvement, Barthèsiennement. Pourquoi la société de consommation, de masse, a t-elle érigé ce réseau de symboles comme au statut de mythes? Que devient l'objet une fois extirpé de son contexte culturel, seul face au mythologue qui le décortique? Qu'en est-il de ce langage quotidien qui contribue à la cristallisation de leur statut mythique? Barthes ne propose pas de grandes dissertations pompeuses quant au rôle et la place de ces objets de culte contemporain entrés dans la norme culturelle, mais livre les réflexions qu'a provoqué chez lui l'actualité dont il était témoin.
Extraits.
« On sait par exemple que dans le théâtre bourgeois, l'acteur, « dévoré » par son personnage, doit paraître embrasé par un véritable incendie de passion. (...) Dans une pièce nouvelle (qui a eu un Prix), les deux partenaires masculins se sont répandus en liquides de toutes sortes, pleurs, sueurs et salive. On avait l'impression d'assister à un travail physiologique effroyable (...) comme si la passion était une grosse éponge mouillée pressée par la main du dramaturge. (...) la passion [devient] elle aussi une marchandise comme les autres, (...) : je donne mon argent au théâtre, en retour de quoi j'exige une passion bien visible ». Deux mythes du Jeune Théâtre.
« Le strip-tease – du moins le strip-tease parisien – est fondé sur une contradiction : désexualiser la femme dans le moment même où on la dénude ».
Opinion.
Cela faisait longtemps que je voulais découvrir Barthes, dont le nom nous est sans cesse râbaché à la fac, ou par autres professeurs de didactique plus ou moins passionnés. Un ami m'avait lu «Le monde où l'on catche» il y a longtemps, et j'avais trouvé le texte plutôt marrant, et forcément, l'auteur très intelligent. Impressionnée par tout ce qu'il pouvait décliner d'un match de catch, j'ai donc commencé ma lecture par Mythologies. J'en ressors mitigée. Certes, de nombreux chapitres sont frais et prêtent à sourire, mais il faut vraiment se plonger dans le texte. La lecture d'essais peut très bien me procurer un vif et réel plaisir, comme le «Défense de la Littérature» que je suis en train de finir. Pas Mythologies. Je ne suis peut être pas assez intelligente pour apprécier à sa juste valeur Barthes, je ne le nie pas. Mais ce recueil d'essais devenait de plus en plus... lourd, dirais-je, j'ai traîné pour le finir. Peut être parce que la forme « accumulationde petites analyses » me lasse vite. Et j'avoue que plusieurs sujets de n'intéressaient pas du tout, au contraire d'autres.
La deuxième partie, Le mythe aujourd'hui, est plus plaisante dans un sens, car Barthes s'interroge sur le statut du mythe, se demande ce qu'il est et pourquoi on le retrouve dans une société de consommation.
Opinion technique.
Barthes est facile et difficile à lire.
Le plus dérangeant fut sûrement de lire ses réflexions à propos d'évènements que je n'ai pas connus.
« La littérautre selon Minou Drouet », « Billy Graham au Vel' d'Hiv' » « Quelques paroles de M.Poujade » par exemple. Sans connaissance des faits, il est difficile d'apprécier à leur juste valeur les analyses de Barthes. Mais cela reste possible. J'ai franchement souri en lisant « Bichon chez les Nègres « , par exemple, sans rien savoir du couple et de Bichon partis en expédition.
D'autres sujets restent plus
« généraux » , tels « Jouets »,
« le vin et le lait » ou encore « l'écrivain
en vacances » et permettent donc une lecture plus
coulante.
Cependant, la réflexion de Barthes peut être
difficile à suivre et à concevoir. On peut lire sans
problème une analyse entière, penser tout comprendre et
pourtant, arrivé à la fin, se trouver incapable de
« résumer » le cheminement de sa
réflexion. De plus Barthes fait de temps à autres
référence à des courants de pensée qui
peuvent être obscurs pour certains, emploie des termes qui
nécessitent un temps de réflexion, et même si
tous les mots sont aisément compréhensibles, la façon
dont ils sont agencés provoque un arrêt chez le lecteur
bloubien afin de pleinement comprendre la raison d'une telle phrase:
« La poésie contemporaine est un système
sémiologique régressif (...),la poésie
tente de retrouver
une infra-signification, un état présémiologique
du langage», « plus le langage-objet résiste
au début, plus sa prostitution finale est grande: qui résiste
totalement, cède ici totalement ». Parce qu'il a un
savoir et une connaissance immense, Barthes au final peut être
difficile à suivre. Partant d'une voiture, il peut évoquer
le Christ et la science fiction. Son raisonnement, paradoxalement,
semble logique et poutant en perdre le fil est facile. Lire Barthes
nécessite une attention constante qui peut fatiguer
rapidement.
Intéressante, plus qu'intéressante lecture, mais pas si facile que ça. Certains le trouveront ennuyeux et n'y verront aucun intérêt. D'autres le trouveront génial et s'extasieront sur sa finesse d'epsrit, ce que je ne nie pas. Je suis sortie de Mythologies avec des pistes de réflexion, des comparaisons inédites et incongrues, (« la tunique du Christ était sans couture, comme les aéronefs de la sicence-fiction sont d'un métal sans relais ») mais aussi, avec le besoin de passer à autre chose.
Un recueil donc assez sympathique, mais loin d'avoir changé ma vie. J'essaierai plus tard Le Plaisir du Texte, pour creuser un peu plus, mais bon...