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Bloub et ses lectures
7 juillet 2008

09. Le Mur, J-P Sartre

Le_murBloub résume (un peu)
Le Mur est une nouvelle. En fait, on trouve dans l'édition Folio Le mur, La Chambre, Erostrate, Intimité et L'Enfance d'un Chef. Des nouvelles tragiques. Comiques. Cyniques. Je n'en résumerai que 3.

.Le Mur.
Nous attendons. Nous lisons et nous attendons, avec le narrateur, prisonnier républicain espagnol,  nous attendons la mort. Nous vivons l'attente, l'angoisse maîtrisée, regardons l'impuissance et la faiblesse des autres. Nous sommes enfermés, dans une cellule, la nuit, entourés d'hommes qui ne sont plus que des ombres, et nous pensons, ou tentons de penser, de comprendre pour ne pas "mourir comme une bête" p.26
C'est la résignation, l'obstination. La haine grandissante des autres "camarades de cellule", eux que l'on voit et qui nous renvoient à ce à quoi nous ressemblons sûrement, en cette dernière nuit.
Sursaut d'ironie, avant d'être transformé en passoire. Et le destin se moque alors aussi de nous. Quelques fois, on a beau être prêt, ce n'est pas encore le moment d'abandonner, malgré tout.

.La Chambre.
Nous sommes enfermés, encore, mais la prison cette fois est plus jolie. plus vicieuse. Plus oppressante. On traite ici de la bourgeoisie, des on-dits non dits, des rapports hypocrites. On parle d'un amour dérangeant, tellement absolu qu'il en devient écœurant. C'est l'enfermement dans le noir. Le noir de la chambre. le noir de l'esprit. C'est la confusion totale, comme si l'obscurité prenait possession de ceux qui la côtoient. Et les autres, les vivants, les normaux, les non-amoureux, qu'ils restent dehors. A la lumière. A la raison.
La chambre. Le cloisonnement. L'esprit. Le cloisonnement. La société. Le cloisonnement. La sortie peut elle être trouvée par nos propres moyens? Ou faudra t-il compter sur une aide extérieure pour nous aider? Pour mourir?

.Erostrate.
Je les déteste. mais oui. Je suis l'exact opposé vulgaire et tragique du meilleur de l'homme, un défenseur acharné de la haine humaniste. J'aime les dominer, les voir s'écraser s'applatir, oh oui, comme j'aime mon balcon. Comme je hais le sol qui me rabaisse à leur niveau.
Je suis supérieur. J'ai une arme. Un revolver. Symbole de ma puissance, je me sens grisé, et prêt à tout. D'ailleurs je vais le faire, ce tout. Ce sera la fin, l'éclatante explosion finale, et je m'en irai victorieux, dans une gerbe de sang. Mon souvenir restera immémorial, je marquerai les pages de l'histoire de l'humanité que je méprise, tout comme Erostrate, emportant avec moi des anonymes stupides dans la mort.
Je vais en tuer six. Ou cinq en fait, laissons une balle pour moi.
Ou bien peut être,peut être, je...?
Résumé officiel.
- Comment s'appellent-ils ces trois-là?
- Steinbock, Ibbieta et Mirbal, dit le gardien.
Le commandant mit ses lorgnons et regarda sa liste:
- Steinbock... Steinbock... Voilà. Vous êtes condamné à mort.
Vous serez fusillé demain matin.
Il regarda encore:
- Les deux autres aussi, dit-il.
- C'est pas possible, dit Juan. Pas moi.
Le commandant le regarda d'un air étonné...

Extraits.
"Je me levai, je me promenai de long en large et , pour me changer les idées, je me mis à penser à ma vie passée. Une foule de souvenirs me revinrent, pêle-mêle. Il y en avait de bons et de mauvais - ou du moins je les appelais comme ça avant. " p.26 Le Mur.

" -TU sais bien que je t'aime, dit-elle avec sécheresse.
- Je ne te crois pas, dit Pierre. Pourquoi m'aimerais-tu? Je dois te faire horreur: je suis hanté.
Il sourit mais il devint grave tut d'un coup:
- Il y a   un mur entre toi et moi. Je te vois, je te parle, mais tu es de l'autre côté. Qu'est-ce qui nous empêche de nous aimer? Il me semble que c'était plus facile autrefois. A Hambourg.
(...)
Jamais il ne parlait de leur vrai passé. Ni Ève ni lui n'avaient été à Hambourg." p.68. La Chambre.

" Vous serez curieux de savoir, je suppose, ce que peut être un homme qui n'aime pas les hommes. Eh bien, c'est moi, et je les aime si peu que je vais tout l'heure en tuer une demi-douzaine; peut être vous demanderez vous : pourquoi seulement une demi-douzaine? Parce que mon revolver n'a que six cartouches." p.90 Erostrate.

Opinion.
Il y a longtemps que j'ai lu Sartre, tellement que je vais devoir le relire. Des Mots, ou de la Nausée, je n'en ai gardé qu'un vague souvenir (16 ans à l'époque). Reprendre ce recueil de nouvelles m'a fait du bien. C'est rafraîchissant tout en étant incroyablement lourd;
J'ai été profondément enchantée par Erostrate, où ce narrateur pitoyable et pathétique, méprisant et frustré, n'a pas la force d'aller jusqu'au bout, et se laisse porter par ses fantasmes de violence dominatrice. J'ai adoré la colère que ressent le narrateur du Mur envers ses autres compagnons de cellule et lui même, parce qu'à l'approche de la mort, les corps se ratatinent, deviennent gris, sales, se meurent avant l'heure, et finalement, finissent par être "pareils et pires que des miroirs [les uns pour les autres]"  p21.
Nous ne sommes pas dans un ouvrage profondément psychologique. Nous n'avons qu'une ébauche, une description des conséquences des actes humains; et finalement cette description est suffisante pour nous faire prendre conscience d'un ensemble de choses. Nul besoin de longues explications pompeuses.
Intimité est la seule qui m'ait passablement ennuyée.

Opinion technique.
Aucune techniquement. Je veux dire, lire Sartre, c'est pas compliqué. On se trouve à des lieues de la torture de Huysmans. Cependant, lire Sarte tout court, ce serait passer à côté de pas mal de choses. Ainsi, ouvrir un livre ou une nouvelle de lui sans avoir pris connnaissance un minimum de ce qu'est l'existentialisme, par exemple, peut être assez dommageable.
Certes les oeuvres restent compréhensibles. On soupçonne vaguement la réflexion sous jacente. Mais en lisant Erostrate, on pourrait se limiter à "portrait d'un homme faible, ridicule et frustré". La nouvelle va plus loin, bien entendu.
Pas de grandes phrases, de grands monologues, de vocabulaire pompeux, de structures enchâssées et récits évasifs. On est dans la nouvelle sartrienne (un genre qu'il maîtrise mais qu'il n'exploitera plus), et on va droit au but (à peu près).
Il n'y a pas que l'aspect philosophique. Sartre aborde également la montée du fascisme, la guerre d'Espagne, la folie, la démence, la perversion. Il couvre ainsi un large panel de pathologies individuelles, personnelles, mais également les pathologies "générales" , de société qui gangrènent la population au travers d'idéaux tordus, et de conflits politiques dramatiques.
Les nouvelles sont courtes, bien construites, frappantes, et efficaces. Rien à dire d'autre. On aime ou pas, on adhère ou pas à sa conception de l'existence avant l'essence, de dieu n'existe pas et même si, ça e changerait pas grand chose. Et on admire la légèreté d'écriture pour aborder ces problèmes bien plus lourds.

Notation.
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Commentaires
L
Jean Paaaaul!<br /> J'aime beaucoup son style, La Nausée m'avait bien bottée quand je l'avais lue, et ses pièces de théâtre aussi.<br /> Même si mon chéri reste quand même Albert Camus. Oh Albert... Dis-moi encore des belles phrases au creux de l'oreille...
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